Et si l’amertume du café était, en partie, génétique ?

Pourquoi le café semble-t-il plus amer pour certains que pour d’autres ? Une étude de 2025, publiée par des chercheurs allemands, a permis d’éclaircir la réponse. En étudiant des molécules chimiques, après torréfaction du café, ils ont découvert que la génétique humaine pourrait aussi être impliquée dans l’amertume perçue.

Bien que la caféine soit connue depuis longtemps comme une substance au goût amer, même le café décaféiné a un goût amer. La réponse se trouve donc ailleurs.

Dans une étude publiée le 29 janvier 2025 dans la revue Food Chemistry, des chercheurs de l’Institut Leibniz de biologie des systèmes alimentaires de l’Université technique de Munich ont étudié le rôle des molécules apportant de l’amertume au café torréfié. Parmi elles, la mozambioside, contenue dans les grains d’Arabica – variété de café le plus consommé dans le monde.

Coline Bichlmaier, doctorante à l’Institut Leibniz, explique dans le communiqué de presse qui accompagne l’étude : « En effet, des études antérieures ont identifié diverses classes de composés qui se forment lors de la torréfaction et contribuent à l’amertume. Au cours de ma thèse, j’ai identifié et analysé en profondeur une autre classe de substances de torréfaction jusqu’alors inconnues ».

Au commencement, le mozambioside

La recherche part de la mozambioside, un composé du café qui dérive du cafestol. La mozambioside est particulièrement abondante dans les espèces de Coffea dépourvues de caféine. De plus, celle-ci est, selon une étude, environ dix fois plus amère que la caféine, avec un seuil de goût amer chez l’homme de 60 ± 10 μM (micromolaire).

Le mozambioside active deux des, environ 25, types de récepteurs de goût amer présents dans le corps humain, à savoir les récepteurs TAS2R43 et TAS2R46. « Nos recherches ont montré que la concentration de mozambioside diminue considérablement pendant la torréfaction, de sorte qu’il ne contribue que faiblement à l’amertume du café, déclare cependant un chercheur de l’étude, Roman Lang, dans le communiqué. Cela nous a incité à tester si la torréfaction produit des molécules  de dégradation du mozambioside qui sont également amères et pourraient affecter le goût du café. »

A close-up of espresso pouring from a machine into a cup, highlighting the rich aroma and fresh brew.

À chacun son génome, et son amertume

Dans l’étude, les scientifiques ont trouvé sept produits de dégradation, post-torréfaction, du mozambioside. Ces composés se trouvent dans le café torréfié à des concentrations variables, en fonction de la température et de la durée de torréfaction, et passent presque entièrement dans la boisson lors de l’infusion.

En faisant des tests cellulaires, les scientifiques montrent que les substances de torréfaction du mozambioside activent les mêmes types de récepteurs de goût amer que le mozambioside. Trois des produits de torréfaction ont même eu un effet plus fort sur les récepteurs que le composé d’origine.

Pourtant, les scientifiques ont mesuré les concentrations de ces produits dans le café infusé : elles étaient trop faibles pour induire un goût amer perceptible par l’Homme.

Sur des sujets humains, seule la combinaison de mozambioside et de ses produits de torréfaction dans un échantillon a conduit huit des onze sujets testés à percevoir un goût amer. Une seule personne a trouvé le goût âpre et deux n’ont perçu aucun goût particulier.

Un test génétique montre que la sensibilité au goût dépend de la prédisposition génétique des sujets testés.  Les deux personnes n’ayant perçu aucun goût avaient deux copies du variant défectueux du gène TAS2R43. Sept avaient une variante intacte et une variante défectueuse du récepteur, et seulement deux personnes avaient les deux copies du gène intactes.

Utile pour la santé ?

« Les nouvelles découvertes approfondissent notre compréhension de la manière dont le processus de torréfaction influence la saveur du café et ouvrent de nouvelles possibilités pour le développement de variétés de café avec des profils de saveur coordonnés. Elles constituent également un jalon important dans la recherche sur les saveurs, mais aussi dans la recherche sur la santé », déclare Roman Lang. Il poursuit : « Les substances amères et leurs récepteurs ont d’autres fonctions physiologiques dans le corps, dont la plupart sont encore inconnues ».

Selon lui, il reste encore beaucoup de travail à faire, car pour de nombreuses substances amères dans le café seul, on ne sait pas encore quels récepteurs de goût amer elles activent, bien que des millions de personnes dans le monde boivent du café chaque jour.

Pour en savoir plus :

Coline Bichlmaier, Sonja Maria Fröhlich, Valeria Brychcy, Angelika Graßl, Maik Behrens, Roman Lang,
Contribution of mozambioside roasting products to coffee’s bitter taste, Food Chemistry, Volume 469, 2025, 142547, ISSN 0308-8146, https://doi.org/10.1016/j.foodchem.2024.142547.