Un article publié par le site d’information Slate indique que boire du café quotidiennement réduirait la taille de notre cerveau, mais que ceci serait réversible. Un titre accrocheur, mais manquant de rigueur et de nuance scientifique. Explication.
Pour pallier le manque de sommeil que les rythmes sociaux nous imposent, nombre d’entre nous s’aide de café. Son principe actif, la caféine, est le psychostimulant le plus consommé au monde. Pourtant, « malgré sa popularité, on ne sait toujours pas si la consommation quotidienne de caféine chez l’homme a un impact à long terme sur les structures cérébrales par le biais d’un impact constant sur l’homéostasie du sommeil », écrivent en introduction les auteurs d’une étude de 2021, publiée dans le journal scientifique Cerebral Cortex.
Les chercheurs avaient comme but d’analyser la corrélation entre les perturbations du sommeil qui pourraient être liées à la prise de caféine et les réductions des volumes de matière grise humaine (VMG). L’étude en question a mis en évidence une corrélation entre la consommation de caféine, en pilule, et une réduction des VMG. Néanmoins, celle-ci n’affecte pas la qualité du sommeil selon l’étude. Sur ce même sujet, nous avions fait une vidéo avec Astrid Nehlig, directrice de recherche Inserm et experte sur le café.
Que dit vraiment l’étude ?
Pendant 10 jours, 20 hommes en bonne santé (habitués au café) ont pris de la caféine en gélule (3 fois 150 milligrammes par jour) ou un placebo (mannitol, un sucre). Puis, pendant les 10 jours suivants, ceux qui ont eu la caféine ont eu le placebo, et inversement. L’étude a été menée en double aveugle : ni les participants ni les chercheurs ne savaient qui prenaient quoi sur le moment.
Au long de l’expérience, les participants ont procédé à des mesures cliniques : imagerie par résonance magnétique (IRM), électroencéphalogramme (EEG), mesure des métabolites par la sueur, test de mémoire de travail, etc.
L’IRM a permis de montrer une réduction des VGM chez ceux ayant eu la caféine par rapport au placebo. « Contrairement à nos attentes, l’EEG du sommeil nocturne n’explique pas ces réductions », analysent les auteurs. « Bien que les données soutiennent effectivement cette dernière hypothèse, cette altération observée ne résulte pas d’une perturbation proportionnelle de la pression homéostatique du sommeil pendant la nuit et peut donc suggérer un autre mécanisme ». Cependant, ils observent une plus faible performance lors de test de mémoire de travail après les prises de caféine.
Limites & mauvaises interprétations
Dans cette étude, il y a des limites : un petit nombre de participants (20 sujets uniquement masculins, ce qui n’est pas représentatif), en situation éloignée du quotidien (une gélule de caféine n’est pas café, notamment car le café contient un grand nombre d’autres molécules), avec des corrélations d’observations sur des prises aiguës de caféine. Là où la consommation de café se fait sur un temps long, de façon plutôt chronique.
Contrairement à ce qu’écrit Slate, non le café ne « rétrécit pas le cerveau ». Même si le propos est explicité dans la suite de l’article, la conclusion reste plutôt alarmante quant à la réduction de la matière grise. Or, celle-ci est plastique – elle varie au cours du temps.
De plus, des études plus récentes (ici, ici ou encore ici) indiquent que le café, consommé modérément (3 à 4 tasses par jour), est plutôt bénéfique pour la santé cognitive. Il faut donc faire attention aux conclusions trop hâtives et à l’appel du clic facile.
Pour en savoir plus :
Yu-Shiuan Lin, Janine Weibel, Hans-Peter Landolt, et al. Daily Caffeine Intake Induces Concentration-Dependent Medial Temporal Plasticity in Humans: A Multimodal Double-Blind Randomized Controlled Trial, Cerebral Cortex, Volume 31, Issue 6, June 2021, Pages 3096–106, https://doi.org/10.1093/cercor/bhab005.