Café, déclin cognitif et démence

Le rôle potentiellement protecteur du café dans le développement du déclin cognitif et son évolution vers la démence reste une préoccupation récurrente. Trois articles se sont intéressés à ce thème, avec l’identification de populations à risque de déclin cognitif et l’étude des caractéristiques cérébrales liées à l’apparition des démences.

Un travail sur café et cognition (1) représente la poursuite de l’étude de la relation entre consommation de café et déclin cognitif sur la cohorte prospective des Trois-Cités (cohorte française) publiée au départ en 2007. L’étude actuelle s’est limitée à deux villes (Bordeaux, n = 418 ; Dijon, n = 424). Le déclin cognitif a été évalué grâce à cinq tests neuropsychologiques (Mini-Mental State Examination, Benton Visual Retention Test, Isaac’s Set Test, Trail-Making Test parties A et B). Le métabolome circulant lié à l’alimentation et dérivé du microbiote a été étudié chez les participants à l’entrée dans l’étude.

Une association protectrice a été observée entre les métabolites dérivés du cacao, du café, des champignons, du vin rouge, et du métabolisme microbien des aliments riches en polyphénols. Le déclin cognitif est retrouvé chez les personnes absorbant des aliments considérés comme mauvais pour la santé comme en particulier les édulcorants artificiels et l’alcool. Cette étude a permis d’identifier certains des évènements métaboliques précoces qui sont associés à un risque ultérieur de développement de déclin cognitif par le biais d’une communication croisée entre le régime alimentaire, le microbiote intestinal et le métabolisme endogène. Cette première étape pourra permettre d’identifier des cibles potentielles pour des stratégies préventives and thérapeutiques permettant de préserver une bonne santé cognitive et dans lesquelles la consommation de café a déjà manifesté son efficacité.

Diverses études ont révélé l’implication du café et du thé dans le développement de l’accident vasculaire (AVC) et de la démence. Cependant, l’information sur l’association entre la consommation de café et de thé et le risque d’AVC, de démence et de démence post-AVC est limitée. Les objectifs d’une étude de cohorte prospective britannique incluant 365 682 participants (50 à 74 ans) de la UK Biobank ont été d’explorer les associations entre café et thé séparément ou en combinaison et le risque de développer un AVC ou une démence (2). Les participants sont entrés dans l’étude entre 2006 et 2010 et ont été suivis jusqu’en 2020. De nombreux ajustements ont été pris en compte comme le sexe, l’âge, l’ethnie, l’indice de masse corporelle, l’activité physique, le tabac, l’alcool, le régime alimentaire et de nombreux aspects liés à la santé. La consommation de café et de thé a été établie à l’entrée dans l’étude. Pendant le suivi moyen de 11,4 ans, 5.079 participants ont développé une démence, et 10.053 un AVC.

Les associations entre le café/thé et AVC/démence ne sont pas linéaires. La consommation de 2-3 tasses de café/jour, 3-5 tasses de thé/jour ou leur combinaison à raison de 4-6 tasses par jour était liée au plus faible HR (rapport de taux de risque) pour l’incidence d’AVC ou de démence. Comparés à une absence de consommation, le risque d’AVC est réduit de 32 % (P < 0,001) et celui de démence de 28 % (P = 0,002) par la consommation de 2-3 tasses de café ou de thé par jour. La combinaison de café et de thé était également associée à un risque réduit d’AVC et de démence vasculaire et un risque réduit de 48 % de démence post-AVC avec le risque le plus faible pour la consommation de 3 à 6 tasses de café et de thé combinées (P = 0,007). L’intérêt principal et novateur de cette étude est de montrer l’effet majeur du café seul (à volume égal, le café est toujours plus efficace que le thé) ou en combinaison avec le thé dans la réduction de la démence post-AVC.

Dans une autre étude, australienne (3), un groupe d’auteurs a réalisé une étude longitudinale sur la relation entre consommation de café, déclin cognitif et maladie d’Alzheimer (AD). Les auteurs ont utilisé une batterie neuropsychologique pour évaluer la relation entre la consommation habituelle de café et le déclin cognitif chez 227 individus vieillissant avec une cognition normale à l’entrée dans l’étude. Les participants ont été suivis pendant 126 mois au sein de l’Australian Imaging, Biomarkers, and Lifestyle (AIBL) study. Dans un sous-groupe d’individus, les auteurs ont aussi recherché la relation entre la consommation habituelle de café et l’accumulation de la protéine Aβ-amyloïde (n = 60) ainsi que les volumes cérébraux (n = 51) sur la période d’étude. Les auteurs ont pu observer qu’une consommation de base plus élevée de café était associée à un ralentissement du déclin cognitif au niveau de la fonction exécutive, de l’attention, et d’un paramètre cognitif composite évaluant les formes précliniques d’AD (PACC; considéré comme une mesure fiable des premiers signes de déclin cognitif chez les populations normales à risque). Ils ont observé également un risque plus faible de transition vers un dysfonctionnement cognitif modéré ou un statut AD, sur les 126 mois de l’étude.

De même, une consommation de base plus élevée de café était associée à un ralentissement de l’accumulation de protéine Aβ-amyloïde sur 126 mois, et un risque réduit de progression de la charge Aβ-amyloïde de « modérée » à « élevée, » ou à « très élevée » sur la même période. Il n’y a pas d’association entre la consommation de café et l’atrophie des volumes de la matière grise totale, de la matière blanche ou de l’hippocampe. Cette étude montre que la consommation de café pourrait ralentir le déclin cognitif et l’accumulation de protéine Aβ-amyloïde à l’origine du stress oxydatif et des processus inflammatoires menant à une AD déclarée.

Pour en savoir plus :

  1. González-Domínguez R, Castellano-Escuder P, Carmona F et al. Food and Microbiota Metabolites Associate with Cognitive Decline in Older Subjects: A 12-Year Prospective Study. Mol Nutr Food Res 2021 ; 65 : e2100606.
  2. Gardener SL, Rainey-Smith SR, Villemagne VL et al. Higher Coffee Consumption Is Associated With Slower Cognitive Decline and Less Cerebral Abeta-Amyloid Accumulation Over 126 Months: Data From the Australian Imaging, Biomarkers, and Lifestyle Study. Front Aging Neurosci 2021 ; 13 : 744872.
  3. Zhang Y, Yang H, Li S et al. Consumption of coffee and tea and risk of developing stroke, dementia, and poststroke dementia: A cohort study in the UK Biobank. PLoS Med 2021 ; 18 : e1003830.