Action du café sur les premières étapes de la digestion

On peut entendre autour de soi aussi bien « je ne prends pas de café après le repas, car il m’empêche de digérer » que « j’ai besoin de mon petit café après le déjeuner, car il m’aide à digérer ». Que penser de ces apparentes contradictions ? Des études ont en fait montré que le café intervenait à toutes les étapes de la digestion.

 

Effets du café au niveau de l’estomac

Quand la nourriture arrive dans l’estomac, les glandes gastriques sécrètent de l’acide chlorhydrique et des enzymes, comme la pepsine, la chymosine et la lipase qui initient la digestion des sucres, des protéines et des lipides du bol alimentaire. Le café via la caféine et les polyphénols stimule la sécrétion de gastrine (1). La sécrétion acide de l’estomac dépend du degré de torréfaction, le café le plus torréfié étant le moins actif (2, 3). Par contre, le café n’affecte pas la rapidité de la vidange gastrique (4-8).

Par ailleurs, le café n’a aucun lien avec les maladies de l’estomac et n’induit pas la formation d’ulcères gastro-duodénaux (9, 10). Cependant, selon une étude, les patients avec un ulcère ne sont pas amenés à réduire leur consommation de café (11) alors que, dans une autre, on observe que les patients réduisent ou stoppent leur consommation de café en raison de plaintes de dyspepsie (12). Cependant, les études peu nombreuses et assez anciennes ne permettent pas de conclure.

Selon une étude récente menée chez la souris, il apparaît que l’acide chlorogénique pourrait exercer une action protectrice sur la muqueuse gastrique en réduisant la surface de la muqueuse altérée. Les auteurs suggèrent alors que la présence d’une concentration élevée d’acide chlorogénique dans le café pourrait expliquer l’absence d’effets du café sur les ulcères de l’estomac (13).

 

Les sécrétions biliaire et pancréatique sont stimulées par le café

La première partie de l’intestin grêle, appelée duodénum, est l’endroit où le bol alimentaire (ou chyme) provenant de l’estomac se mélange avec les sécrétions biliaire, pancréatique et intestinale pour permettre les étapes suivantes de la digestion.

Le café normal et le décaféiné stimulent la sécrétion de cholécystokinine (CCK), une hormone qui active la fonction et la contractilité de la vésicule biliaire et qui augmente la production de bile. Ceci entraîne l’ouverture du sphincter d’Oddi et permet à la sécrétion biliaire et pancréatique de se déverser dans l’intestin grêle. On a observé une augmentation de la contractilité de la vésicule et une réduction de 30 % de son volume après l’ingestion de 165 ml de café normal ou décaféiné (14). La stimulation de la production de CCK par le café normal et, à un degré moindre, par le café décaféiné active également la sécrétion du pancréas exocrine riche en enzymes catalysant la digestion des lipides, des protéines et des glucides (5).

Enfin, la consommation de café a été associée à une réduction du risque de pancréatite. Le mécanisme vraisemblablement impliqué est l’effet protecteur des polyphénols antioxydants et des diterpènes, kahwéol et cafestol (15).

 

La consommation de café réduit la formation des calculs biliaires

La plupart des calculs biliaires sont composés de cristaux de cholestérol. Une méta-analyse récente incluant 6 études, 227 749 participants et 11 477 cas de calculs biliaires a quantifié l’association entre la consommation de café et le risque de calculs biliaires. Dans les études de cohorte prospectives, la consommation de café était significativement associée à une réduction de risque de 17 % (RR = 0,83 ; IC 95 % = 0,76 – 0,89) de développer des calculs biliaires, mais uniquement chez les femmes et pas chez les hommes. Dans la seule étude cas-contrôle, il n’y avait pas d’association entre le café et le risque de calculs biliaires (OR = 0,99 ; IC 95 % = 0,64-1,53). La réduction de risque de calculs augmente avec la dose de café de manière non linéaire, 5 % pour 1 tasse/jour, 11 % pour 2 tasses/jour, 19 % pour 4 tasses/jour et 25 % pour 6 tasses/jour comparées à un très faible niveau de consommation (16).

L’action du café sur les calculs biliaires n’est pas vraiment expliquée. Une large part est attribuée à la caféine, car le café décaféiné n’a pas d’effet sur cette pathologie (17, 18). La caféine a la propriété de freiner la cristallisation du cholestérol (19). La réduction des calculs biliaires pourrait aussi refléter la stimulation de la libération de CCK, l’augmentation de la contractilité biliaire (14), et l’amélioration de la fonction de la muqueuse biliaire (20).

 

En conclusion, le café agit aussi bien sur la fonction des différents organes du système digestif que sur certaines pathologies. Ces aspects n’ont été que peu étudiés et la plupart des études sont assez anciennes. Bien que café et digestion soient une préoccupation fréquente dans la population, ce thème ne semble pas attirer beaucoup de recherches alors qu’elles s’avèrent vraiment nécessaires.

 

 

Bibliographie

  1. Papakonstantinou E, Kechribari I, Sotirakoglou Κ et al. Acute effects of coffee consumption on self-reported gastrointestinal symptoms, blood pressure and stress indices in healthy individuals. Nutr J 2016 ; 15 : 26.
  2. Rubach M, Lang R, Seebach E et al. Multi-parametric approach to identify coffee components that regulate mechanisms of gastric acid secretion. Mol Nutr Food Res 2012 ; 56 : 325-35.
  3. Rubach M, Lang R, Bytof G et al. A dark brown roast coffee blend is less effective at stimulating gastric acid secretion in healthy volunteers compared to a medium roast market blend. Mol Nutr Food Res 2014 ; 58 : 1370-3.
  4. Boekema PJ, Samsom M, van Berge Henegouwen GP et al. Coffee and gastrointestinal function: facts and fiction. Scand J Gastroenterol 1999 ; 99 : 35-9.
  5. Boekema PJ, Lo B, Samsom M et al. The effect of coffee on gastric emptying and oro-caecal transit time. Eur J Clin Invest 2000 ; 30 : 129-34.
  6. Franke A, Harder H, Orth AK et al. Postprandial walking but not consumption of alcoholic digestifs or espresso accelerates gastric emptying in healthy volunteers. J Gastrointestin Liver Dis 2008 ; 17 : 27-31.
  7. Schubert MM, Grant G, Horner K et al. Coffee for morning hunger pangs. An examination of coffee and caffeine on appetite, gastric emptying, and energy intake. Appetite 2014 : 83, 317-26.
  8. Akimoto K, Inamori M, Iida H et al. Does postprandial coffee intake enhance gastric emptying ? : a crossover study using continuous real time 13C breath test (BreathID system). Hepatogastroenterology 2009 ; 56 : 918-20.
  9. Shimamoto T, Yamamichi N, Kodashima S et al. No association of coffee consumption with gastric ulcer, duodenal ulcer, reflux esophagitis, and non-erosive reflux disease: a cross-sectional study of 8,013 healthy subjects in Japan. PLoS One 2013 ; 8 : e65996.
  10. Ryan-Harshman M, Aldoori W. How diet and lifestyle affect duodenal ulcers. Review of the evidence. Can Fam Physician 2004 ; 50 : 727-32.
  11. Elta GH, Behler EM, Colturi TJ. Comparison of coffee intake and coffee-induced symptoms in patients with duodenal ulcer, nonulcer dyspepsia, and normal controls. Am J Gastroenterol 1990 ; 85 : 1339-42.
  12. Eisig JN, Zaterka S, Massuda HK et al. Coffee drinking in patients with duodenal ulcer and a control population. Scand J Gastroenterol 1989 ; 24 : 796-8.
  13. Shimoyama AT, Santin JR, Machado ID et al. Antiulcerogenic activity of chlorogenic acid in different models of gastric ulcer. Naunyn Schmiedebergs Arch Pharmacol 2013 ; 386 : 5-14.
  14. Douglas BR, Jansen JB, Tham RT et al. Coffee stimulation of cholecystokinin release and gallbladder contraction in humans. Am J Clin Nutr1990 ; 52 : 553-6.
  15. Morton C, Klatsky AL, Udaltsova N. Smoking, coffee, and pancreatitis. Am J Gastroenterol 2004 ; 99 : 731-8.
  16. Zhang YP, Li WQ, Sun YL et al. Systematic review with meta-analysis: coffee consumption and the risk of gallstone disease. Aliment Pharmacol Ther 2015 ; 42 : 637-48.
  17. Leitzmann MF, Willett WC, Rimm EB et al. A prospective study of coffee consumption and the risk of symptomatic gallstone disease in men. JAMA 1999 ; 281 : 2106-12.
  18. Leitzmann MF, Stampfer MJ, Willett WC et al. Coffee intake is associated with lower risk of symptomatic gallstone disease in women. Gastroenterology 2002 ; 123 : 1823-30.
  19. Ruhl CE and Everhart JE. Association of coffee consumption with gallbladder disease. Am J Epidemiol 2000 ; 152 : 1034-8.
  20. Lillemoe KD, Magnuson TH, High RC et al. Caffeine prevents cholesterol gallstone formation. Surgery1989 ; 106 : 400-6.